« Si tu veux parler de l’universel, parle de ton village » (Léon Tolstoï)

GUERRE ET PAIX

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« La lutte pour la paix est une tâche décisive et urgente. C’est un travail d’éducation et d’information qui exige détermination et courage. Nous devons organiser la lutte pour la Paix, amplifier chaque fois plus notre front anti-guerre, en attirant à lui tous les hommes de bonne volonté sans distinction de croyance ou de race, pour amener ainsi les peuples du monde entier, non seulement avec des paroles, mais avec des actes, à mener à la victoire finale la grande cause de la Paix, de la Culture, du Progrès et de la Fraternité entre les peuples ».

Message de Candido Portinari envoyé à la Conférence Culturelle et Scientifique pour la Paix Mondiale à New-York, 1949.

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Fin 1952, le gouvernement brésilien passe commande à Candido Portinari, peintre brésilien néo-réaliste, de deux peintures murales, Guerre et Paix, pour les offrir à l’ONU à New-York.

Le 5 Janvier 1956, Portinari remet au Ministre brésilien des Affaires Etrangères deux fresques monumentales de quatorze mètres de hauteur sur dix mètres de largeur. A cet instant, personne, pas même Portinari lui-même, n’a vu les deux peintures, côte à côte, dans leur gigantisme. Aussi, avant qu’elles ne partent pour le siège de l’ONU, un groupe d’artistes et d’intellectuels interpelle le Ministère des Affaires Etrangères pour que les œuvres soient exposées au Brésil et ainsi données à voir au peuple brésilien; ce peuple dont l’âme et la culture sont au centre de toute l’œuvre de Portinari.

L’exposition éphémère a lieu au Théâtre municipal de Rio de Janeiro en février 1956. Cette manifestation inspire au poète Carlos Drummond de Andrade les propos suivants : «(…) Elle était étrange et pieuse cette petite foule de figures sombres, effarées, immobiles, absorbées, magnétisées, debout face à la double flamme qui se répandait dans tout le champ visuel (…). L’éblouissement initial de la vision m’habite encore, et je n’ai pas d’autres mots pour vous parler de l’exposition Guerre et Paix au Théâtre Municipal ».

C’est le 6 Septembre 1956 que Guerre et Paix sont inaugurées officiellement àNew-York. Membre du Parti communiste, Portinari se voit interdire l’entrée sur le sol américain, le gouvernement ayant un mal fou à se défaire du maccarthysme.

Représentant l’artiste, Cyro de Fretas-Valle, Chef de la délégation brésilienne à l’ONU, déclare à cette occasion : « Je désire souligner un point : le Brésil est en train d’offrir aujourd’hui aux Nations Unies ce qu’il croit avoir de meilleur à donner ».

En 2007, l’ONU entreprend la rénovation de ses bâtiments et rend la garde des deux fresques au Projeto Portinari, initié dès 1979 -avec le retour de la démocratie après 15 ans de dictature militaire au Brésil- par Joao Candido Portinari, fils unique du peintre, dans le but de recenser et de valoriser l’œuvre de l’artiste engagé que fût son père.

Après une restauration du diptyque, notamment de la Paix dont les couleurs se sont décolorées (comme le symbole de la fragilité de la paix ?), Guerre et Paix peut enfin, plus d’un demi-siècle plus tard, être exposé en public au Brésil d’abord, puis aujourd’hui à Paris, au Grand Palais, jusqu’au 9 Juin 2014.

Courez-y, l’entrée est gratuite comme l’aurait souhaité Portinari, lui qui en 1957 déclarait à l’agence Reuters : « Guerre et Paix représentent sans doute le meilleur travail que j’ai fait… Je les dédie à l’humanité ».

De dédier à offrir, il n’y a qu’un pas. Il faudrait être aveugle et borné pour ne pas comprendre que la Paix, la Culture, le Progrès et la Fraternité sont des causes qui n’ont pas de prix.

Par Camille Vantrou

 

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